Souvenirs de stage humanitaire au Sénégal

Je ressors le texte comme je l'ai écrit il y a maintenant 7 ans... avec toute mon ignorance et mes jugements de l'époque... Depuis j'ai pris du recul et j'ai acquis de l'expérience qui me permet de lire ça d'un autre regard. J'ai choisi un passage un peu choc, mais qui illustre bien les choses que nous avons pu rencontrées là-bas...

​ Lundi 6 mars 2006" au fin fond du Sénégal !

Une nouvelle semaine de travail commence. Pour moi, c'est de plus en plus dur d'aller à l'hôpital. Après la pédiatrie, je suis affectée cette semaine en chirurgie / bloc-opératoire.
Arrivée dans le service, je remarque la présence inexistante d'hygiène !! Durant la matinée, je fait pas mal de soin : ablation de cathéter, pansements simples, ...

J'apprend qu'ils désinfectent les plaies avec un mélange bien à eux, qu'il appellent "MERCRYL", qui est en fait un mélange d'eau de Javel et de COTOL, un produit détergent pour les sols et les sanitaires... Je suis horrifiée !! Lorsque je demande pourquoi ils utilisent ça, l'aide infirmier me répond qu'ils n'ont que ça et qu'il ne voit pas le problème. Sur l'emballage il y a noté : "désinfecte et assainit"...

Prise en charge de la douleur = O ! Pas un antalgique, même pour les enfants.

Je découvre des plaies horribles, sur et sur sur-infectées, pleine de pus...
Une odeur de mort règne dans la chambre 5. C'est une chambre à 6 lits. Il y a une fillette de 5 ans brûlée sur tout le corps mais superficiellement ; un homme avec une gangrène sur le sexe et les testicules (horrible !) ; un homme avec un abcès fessier avec un anus dilaté d'au moins 30 cms (ça pisse le sang de partout !) ; et le pire pour la fin, une fillette de 6 ans, brûlée au moins au 5°degré sur les 2 jambes. La chair est carrément enlevée et l'os de la cuisse est presque visible. Le pus sort en quantité inimaginable. La gamine hurle, et demande à ce qu'on la tue. On ne lui donne rien pour la douleur alors qu'on la badigeonne de mercryl, et qu'on lui coupe les chairs nécrosées au scalpel. Je dois lui tenir les mains et les pieds tellement elle se débat car elle souffre. Je dois aussi chasser les mouches avec un éventail pour pas qu'elles se posent sur ses plaies.
Sa famille et l'équipe ne tolèrent pas qu'elle crie et l'infirmier la menace même de lui porter un coup au visage si elle continue. C'est affreux, j'aurai jamais pensé voir ça un jour de ma vie... Je ne pensai même pas que ça pouvait exister...

Une petite est morte hier (elle était brûlée) parce qu'elle a fait un choc à cause d'une hypocalcémie ! C'est intolérable...
J'avais les larmes aux yeux et j'ai dû sortir du service après les soins car je n'en pouvais vraiment plus..."

Heureusement que toute la durée du stage n'a pas été ainsi...
Le positif dans tout ça c'est que nous avons pu faire évoluer les choses à notre petit niveau. En discutant avec le chirurgien et l'équipe du bloc (qui était plus ouverte et surtout plus FORMEE!), le mercryl a été mis au placard et la bétadine en est ressortie !!! Le personnel de chirurgie à été rebrieffé et recadré par les supérieurs qui ne se doutaient pas de ce qui se passait dans les chambres...


Ecrit par Clairette ESI 2e année stage humanitaire en 2007, aujourd'hui IDE aux urgences en CH, édité en Septembre 2013



Point Info : L'humanitaire

Selon les IFSI, il existe une collaboration avec des lieux de stages à l'étranger, humanitaire ou non. Mais tout est possible, avec un projet bien ficelé, les ESI peuvent espérer effectuer le stage souhaité.

http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/soins-infirmiers-humanitaire.html


 ​​ Edité en septembre 2013